Consommer moins et autrement : à quel prix ?

Transition écologique

Dans un contexte de crises environnementales et économiques, la question de la consommation responsable et écoresponsable devient de plus en plus prégnante. À l’occasion de la 5e édition de Solutions solidaires, quatre experts ont eu l'opportunité d'exposer leur vision sur notre modèle de consommation actuel et de partager leurs idées pour le rendre plus durable.

Le paradoxe de la déconsommation

Timothée Parrique, chercheur à l’université de Lund en Suède, a abordé le paradoxe inhérent à notre société contemporaine.

« À quoi bon consommer moins, tout en cherchant à produire plus ? On nous demande de réduire notre consommation tout en nous bombardant de publicités pour nous inciter à faire le contraire. »

Pour lui, ralentir la consommation nécessite de ralentir la production, rendant la publicité incitative à l’achat obsolète.

Il appuie ses propos avec une enquête de l’ADEME qui révèle que 83% des Français seraient en faveur d'une interdiction des publicités pour les produits à forte empreinte carbone. Le but n’est donc pas de consommer ou de produire à tout prix, mais de coopérer pour produire des biens et des services qui satisfont nos besoins.

Il a noté une absence flagrante de publicités incitant à la sobriété ou promouvant des ONG. Pour que la publicité devienne une force de transformation, il estime qu'elle devrait inciter à la déconsommation. Cependant, la difficulté réside dans le fait que la publicité est financée par des entreprises à but lucratif.

Mercedes Erra, présidente de BETC Groupe, première agence française de publicité, a donné une perspective bien différente au cours de cet échange tumultueux. Selon elle, il vaut mieux donner la liberté aux entreprises de s’exprimer dans un cadre très encadré plutôt que sur les réseaux sociaux où les règles sont moins strictes. Elle considère la publicité comme un accompagnement vers le changement plutôt qu’un obstacle.

« Lorsqu'une marque ne communique pas, les consommateurs protestent, a-t-elle fait observer. »

Aujourd’hui, les consommateurs n’achètent plus qu'un simple produit, ils investissent dans une entreprise et exigent des comptes sur ce que l'entreprise fait pour l'environnement. Elle a également souligné le fait que les consommateurs ne sont pas nécessairement inquiets par la décroissance, mais aspirent à penser la croissance différemment. Ils veulent consommer mieux, en mettant l'accent sur l'essentiel, et en optant pour des options de seconde main, comme le prouve l'exemple de BackMarket.

Face aux inquiétudes économiques, les ménages se tournent vers une consommation alternative et responsable

« Consommer plus, n’apporte plus rien voire dégrade notre bien-être. »

annonce Guénaëlle GAULT, Directrice générale de l’Observatoire société et consommation (Obsoco).

Longtemps, la publicité et la société de consommation nous ont laissé penser que le bonheur et la satisfaction résidaient dans l'acquisition de biens matériels en privilégiant la quantité à la qualité.

Cette vision est désormais remise en question, car elle ne reflète plus la réalité. En effet, une étude de l'INSEE révèle que les ménages sont préoccupés par leur situation économique et celle du pays, et que la consommation ne constitue plus un élément central de leur vie, sauf quand celle-ci est contrainte.

Dès lors, la satisfaction ne reposant plus sur la possession, les ménages adoptent une nouvelle approche en matière de consommation, que l'on qualifie de "vouloir d'achat". Mais qu'implique concrètement cette notion de consommation alternative ?

Consommer autrement

Consommer différemment signifie privilégier des produits durables, écologiques et socialement responsables. Cependant, cette démarche responsable comporte des défis. D'une part, il peut être difficile de dénicher des articles durables et respectueux de l'environnement. D'autre part, ces produits de qualité sont souvent plus onéreux que ceux de la consommation courante, ce qui peut constituer un obstacle pour les ménages aux budgets limités. La question se pose alors : la sobriété est-elle réservée à une élite ? Ce qui est sûr, c'est que les citoyens aspirent à repenser leur mode de consommation, en privilégiant l'achat de qualité, en évitant le gaspillage et en optant pour des articles d'occasion. En somme, ils souhaitent se concentrer sur l'essentiel et consommer moins, mais mieux. Reste à déterminer comment construire ce "mieux". Faut-il attendre des politiques qu'ils prennent des décisions en ce sens ?

L’économie de bien-être

Guénaëlle GAULT, évoque alors le terme « d'économie de bien-être » qui, en se focalisant sur la qualité de vie et le bien-être des citoyens plutôt que sur la croissance du PIB, pourrait offrir une voie à suivre pour repenser notre rapport à la consommation et promouvoir une société plus équilibrée et responsable.

Consommer moins et autrement représente un défi de taille pour notre société et notre économie, mais aussi une opportunité de repenser nos modes de vie et de construire un avenir plus durable et équitable. Cette transition vers une consommation responsable implique une collaboration étroite entre les consommateurs, les entreprises et les gouvernements, ainsi qu'une volonté collective de changer nos habitudes pour le bien de notre planète et des générations futures.