Imaginer de nouvelles solidarités pour redonner aux jeunes espoir dans l’avenir
19 présidents de départements, des universitaires et des acteurs associatifs interpellent l’Ėtat en vue d’instaurer un revenu de base pour les jeunes de 18 à 24 ans ; une tribune parue dans le Monde du 17 mars 2022.
La tribune
Selon les données annuelles de l’Insee pour 2022, 12 % de la population française a entre 15 et 24 ans. Huit millions de jeunes aux multiples visages qui nous interpellent pour que soient pris en compte leurs aspirations, leurs préoccupations, leurs envies, leurs besoins, leurs colères, leurs rêves. Huit millions de jeunes que la crise sanitaire, économique et sociale a frappés de plein fouet. Doit-on rappeler qu’aujourd’hui, en France, plus d’un jeune sur dix est en situation de pauvreté ?
Depuis deux ans, cette crise a démontré les limites de notre système social, puisque, loin de protéger les jeunesses, elle a fortement fait augmenter les ruptures de parcours. Si les nombreux dispositifs sociaux actuels, qu’ils soient catégoriels ou sectoriels, sont essentiels et nécessaires, force est de constater qu’ils ne sont plus suffisants et, surtout, qu’ils envisagent les jeunesses sous l’angle purement social quand les jeunes eux-mêmes nous demandent de changer de paradigme.
En effet, au regard des évolutions de notre société, au regard des attentes des jeunes et dans un contexte pandémique qui bouleverse les rapports et les repères, il nous faut imaginer de nouvelles solidarités pour redonner aux jeunes espoir en l’avenir.
500 euros mensuels au maximum
C’est toute l’ambition que portent depuis trois ans de nombreux départements avec une proposition de loi d’expérimentation d’un revenu de base travaillée en lien avec l’Institut des politiques publiques et la Fondation Jean Jaurès. C’est aussi tout le sens de l’expérimentation portée par le conseil départemental de la Haute-Garonne, qui, sur son territoire, avec l’accompagnement scientifique de chercheurs du Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés et territoires (LISST) de l’université Toulouse-Jean-Jaurès et en lien avec la chaire Unesco-Bernard-Maris de Sciences-Po Toulouse, propose une expérimentation portant sur 1 000 jeunes de 18 à 24 ans, représentatifs des jeunesses du territoire et tirés au sort de manière aléatoire, auxquels serait versé un revenu de base, d’un montant de 500 euros mensuels au maximum, dégressif selon les autres revenus, automatique et non conditionné à une recherche active d’un emploi ou d’une formation.
Depuis trois ans, l’Ėtat refuse d’adopter une loi d’expérimentation permettant de laisser les départements mettre en œuvre sur leur territoire cette nouvelle solidarité, qui pourrait être une réponse innovante à la situation des jeunesses. Cette solidarité n’est en rien de l’assistanat ou de la charité. Avec ce revenu de base, il ne s’agit pas de « faire à la place », mais bien de donner aux jeunes les moyens de faire, de s’affranchir des questions de subsistance, de leur donner un peu de souffle pour leur permettre d’exercer une liberté de choix.
Une incitation à innover, à créer
Le revenu de base renouvelle cette ambition de justice qui a prévalu à d’autres innovations sociales en leur temps. Le revenu de base est donc un revenu de solidarité. C’est aussi un revenu d’autonomie ; un revenu d’existence pour une vie décente. Il n’est en rien le fossoyeur de la « valeur travail ». Il s’inscrit dans un parcours d’intégration citoyenne, car, en sécurisant les parcours de vie, il peut devenir une incitation à se lancer, à innover, à créer.
Si les jeunes sont l’avenir de notre pays, ils sont aussi le présent en devenir. Nous avons donc l’impérieux devoir d’arrêter de dévisager les jeunesses, mais bien d’encourager leur engagement et leur pouvoir d’agir, de reconnaître leur participation sociale et citoyenne, de favoriser leur émancipation, de permettre les conditions de leur autonomie et leur bien-être.
Loin des préjugés et des postures, refusant le fatalisme, la proposition des départements est scientifique et se veut expérimentale : tester le revenu de base, c’est évaluer ses forces et ses faiblesses, identifier les différents leviers sur lesquels jouer et envisager les meilleures conditions de son application. Nous demandons le vote d’une loi d’expérimentation pour permettre aux départements volontaires d’expérimenter, sur leur territoire, un revenu de base pour les jeunes de 18 à 24 ans.
Cosignataires : Cédric Ait-Ali, coprésident de l’Association départementale et régionale éducation et coordination (ADREC Occitanie) ; Pascal Bailleau, coprésident de la Fédération des foyers ruraux 31-65 ; Jonathan Bocquet, président de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) ; Sophie Borderie, présidente du Conseil départemental du Lot-et-Garonne (PS) ; Marie-Josée Bouche, administratrice de la Fédération départementale des maisons des jeunes et de la culture (MJC) de Haute-Garonne ; Philippe Bouty, président du Conseil départemental de la Charente (PS) ; Olivier Brossard, professeur des universités en économie, membre du Laboratoire d’étude et de recherche sur l’économie, les politiques et les systèmes sociaux (Lereps) de Sciences-Po Toulouse ; Colin Champion, coresponsable du Forum français de la jeunesse (FFJ) ; Jean-Luc Chenut, président du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine (PS) ; Christian Coail, président du conseil départemental des Côtes-d’Armor (PS) ; Philippe Dupouy, président du Conseil départemental du Gers (PS) ; Léa Filoche, adjointe à la mairie de Paris en charge des solidarités, de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion (Génération.s) ; Xavier Fortinon, président du Conseil départemental des Landes (PS) ; Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde (PS) ; Fabien Guilley, coprésident de la Fédération des foyers ruraux 31-65 ; Chaynesse Khirouni, présidente du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle (PS) ; Françoise Laurent-Perrigot, présidente du conseil départemental du Gard (PS) ; Jean-Claude Leblois, président du conseil départemental de la Haute-Vienne (PS) ; Hermeline Malherbe, présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales (PS) ; Michel Ménard, président du conseil départemental de Loire-Atlantique (PS) ; Georges Méric, président du conseil départemental de la Haute-Garonne (PS) ; Kleber Mesquida, président du conseil départemental de l’Hérault (PS) ; Germinal Peiro, président du conseil départemental de la Dordogne (PS) ; Christophe Ramond, président du conseil départemental du Tarn (PS) ; Hélène Sandragné, présidente du conseil départemental de l’Aude (PS) ; François Sicot, professeur des universités en sociologie, membre du Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés et territoires (LISST) de l’université Toulouse-Jean-Jaurès ; Florence Simonnet, coprésidente de l’Association départementale et régionale éducation et coordination (ADREC Occitanie) ; Christine Téqui, présidente du conseil départemental de l’Ariège (PS) ; Stéphane Troussel, président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis (PS).